Remusicaliser le monde 16 – LE PARDON, BON POUR LA SANTÉ INDIVIDUELLE & COLLECTIVE !

Une équipe de l’université du Wisconsin, réunie autour du psychologue Robert Enright, étudie scientifiquement depuis 30 ans les bienfaits de la pratique du pardon. Leurs recherches ont démontré que pardonner et demander pardon améliorent le bien-être physique, mental, émotif et relationnel. Mieux, le pardon augmenterait notamment l’estime de soi.

Le psychologue Jean Monbourquette, décédé en 2011, est une pointure mondialement reconnue sur la question. Son approche propose un pardon choisi librement, un pardon qui est notamment don, forces d’humilité et recherche de compréhension de l’autre… Pour Jean Monbourquette, le pardon est une pratique psycho-spirituelle qui libère les deux parties et qui peut « transformer une souffrance en réalisation humaine ». Bref, un pardon qui, par le don, l’Amour et l’union permet de nettoyer et surtout de prendre un nouveau départ.

MontPour y arriver, Monbourquette propose notamment ce qui suit pour l’offensé : « en premier lieu, prendre conscience de ses besoins brimés, les partager, soigner sa blessure, analyser sa part de responsabilités (l’offensé peut évidemment n’avoir aucune responsabilité dans l’offense) et accepter sa colère, sa tristesse… Puis, après seulement, chercher à comprendre son offenseur. » Le pardon est généreux mais il n’est ni oubli, ni déresponsabilisation. De son côté, l’offenseur est convié à s’éveiller à sa responsabilité, à comprendre et à corriger les manques qui ont favorisé son offense, à demander pardon et à réparer son erreur.

Même si le pardon vise la guérison, la libération, la réparation, la paix et les nouveaux départs, il ne doit pas nécessairement mener à la réconciliation. « Transformer une souffrance en réalisation humaine » exige de trouver la bonne distance. Et la « bonne distance » consiste aussi parfois à couper complètement les ponts même lorsqu’on a pardonné…

« Oeil pour oeil rend la terre entière aveugle » disait Gandhi. La loi et la justice des humains, même si essentielles, ne suffisent pas à faire disparaître blessures et amertumes. D’où la pertinence d’une pratique psycho-spirituelle comme le pardon. 

340962_277386892302192_1529447667_oDepuis un vingtaine d’années, différentes Commissions Vérité, Justice et Réconciliation ont été créées à l’échelle du monde. Je pense, par exemple, à celles reliées au génocide du Rwanda, à la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud ou encore au génocide culturel des autochtones du Canada (150 000 enfants envoyés de force dans des pensionnats, coupés de leurs parents, de leur culture…). Ces commissions ont cherché à unifier justice et pardon pour rebâtir et pérenniser le « vivre ensemble » et la paix. De ses expériences et d’autres s’inspire le Tchadien Jean-Pierre Ningaïna Taraïna dans son livre « Pardon et réconciliation ». « Pardon et réconciliation » nous outille avec des propositions tirées de l’histoire ou de penseurs ayant travaillé le pardon. Le livre de Jean-Pierre Ningaïna Taraïna appelle toutes les sociétés à réfléchir à ses torts, à les reconnaître, à demander pardon et à les réparer. À quand une Commission Vérité, Justice, Pardon et Réconciliation entre la France et l’Algérie, notamment ?

Pour finir, l’histoire réelle d’Emile Shoufani; un exemple de la force du pardon pour remusicaliser le monde. Lors de la création de l’État d’Israël en 1948, toute la famille d’Emile Shoufani est expulsée du territoire, alors qu’il n’a pas un an. Durant la première guerre israélo-arabe, l’armée israélienne tue plusieurs personnes de sa famille. Élevé par sa grand-mère, il apprend la valeur du pardon et le refus de la haine. En 1976, prêtre à Nazareth, Emile Soufani prend la direction du Collège St-Joseph, où il veut qu’il y ait des élèves de différentes confessions. En 2003, Emile Shoufani pose un geste fort qui a beaucoup ému et inspiré en Israël, regroupant directement plusieuPardonrs centaines de personnes. Il organise le premier voyage judéo-arabe au Camp d’Auschwitz, pour faire acte de fraternité envers les millions de victimes juives. L’Unesco a voulu faire un modèle universel de son oeuvre de pardon et de construction du  « vivre ensemble » en lui décernant le Prix pour l’éducation à la paix…

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Première diffusion de ce texte dans l’émission suivante :

Au menu : pérennités et pardons

  • Pardon : transformer une souffrance en réalisation humaine (Chronique Remusicaliser le monde, par Martin Ferron)
  • En musique, La Grande Sophie et la pièce « Pardonner »
  • Le conte « Deux amis au désert » (adaptation MF)
  • La chronique de l’Île d’Utopie : la fête du carré blanc ! (ELM)

Martin Ferron : Textes, Animation, Musiques et Réalisation

 Erika Leclerc-Marceau : Animation et Textes

Le pardon a le mérite d’aller à contre-courant d’une société de consommation, où l’on jette beaucoup; les relations abîmées comme les objets cassés. Le pardon, c’est le courage de repriser nos liens. 

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