Si la sinistrose ambiante puise ses causes dans des situations problématiques réelles, structurelles, humaines, sociales, spirituelles, politiques, économiques, environnementales, idéologiques (…), l’amplification médiatique consistant à ne rapporter que « ce qui ne va pas » sans contrebalancer par des alternatives possibles et des pistes de lumière, contribue au climat morose. Garder espoir, avoir confiance (foi), aimer en ces temps, les proposer et les incarner, relèvent d’un certain combat de vie intérieur et/ou spirituel. En occident, socialement, nous sommes désemparés par nos intériorités devenues si souvent désespérément vides, absentes, compulsives (comme la pub, internet et la consommation…), creuses (au profit de ces images, de ces emballages), brouillées, « tentées », « incompétentes », pauvres, élastiques, endormies (…). Oui, politiquement, socialement, individuellement, économiquement, il y a plus que jamais de nets avantages à nourrir l’intériorité des citoyens et l’espoir par des alternatives. Je parle ici d’une nourriture qui rend libre, qui désaliène, qui nous amène à l’Autre, à l’interdépendance, au meilleur de Soi, à l’Amour, à la Paix (…). Une intériorité bien sûr à la fois spirituelle et dans la laïcité, une intériorité à la fois personnelle mais qui a droit d’être vraie socialement. Tout ça dans l’équilibre et la recherche d’union, au nom du bien commun et d’un monde à améliorer. Je suis certain qu’un investissement dans la direction et dans la « culture de sens » constitue une partie des solutions anti-sinistroses. Mais, pour cela, à la base, les choix des diffuseurs, subventionneurs, spectateurs (…) doivent aussi relever d’une riche et spirituelle intériorité… Le sens (et le sacré) font partie de la culture (pensez à Bach…). Changeons nos formatages : oui, les actualités et la culture peuvent être positives, belles, alternatives, inspirantes ou pistes de lumière, sans être ennuyantes… Et non, ce n’est pas naïf ou gna gna ! Il faut s’habituer à aimer lire un article qui traite, par exemple, « de la belle histoire d’une personne trisomique qui travaille » ou à écouter un « documentaire sur la beauté du monde » (…), mais les bénéfices au quotidien d’une certaine « psychologie positive » (ce qui va, ce qu’on a, plutôt que ce qui ne va pas) font réellement reculer la sinistrose, autant pour chacun que pour la société et ses structures… Et cela ne peut qu’aider aux transformations structurelles (politiques, économiques, environnementales…) nécessaires.
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Si un être ne fait que dénoncer, il contribue à terme au découragement et à l’immobilisme. Ainsi, sans le vouloir, il soutient ce qu’il dénonce.
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Pour contrer la sinistrose par l’intériorité et la culture
-Remusicaliser le monde (Martin Ferron) : Kasàlà, une approche pour mieux vivre
-En musique, « Djon Maya » de Victor Démé (Burkina Faso) – Remix Martin Ferron
-Le Kotéba, un art social ouest-africain pour corriger les travers de la société
-« Ode à la création », Musique et Design sonore par Martin Ferron sur un texte de l’Abénakis Nicole O’Bomsawin
- Martin Ferron : Textes, Musiques originales, Réalisations et Animation
- Erika Leclerc-Marceau : Collaboration aux textes et Animation
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Le Kasàlà est une pratique « universelle », proche de la thérapie du même nom originaire d’Afrique. On pourrait traduire le mot Kasàlà de la façon suivante : « expression poétique, publique, solennelle et bienveillante de la personne ». Le Kasàlà a été élaboré et théorisé par Jean Kabuta, un Congolais, Professeur de linguistique et de littérature africaine à l’université de Gent, en Belgique. L’idée est simple : vous écrivez votre histoire, puis la déclamez devant un public. Kabuta a voulu proposer des ateliers où chaque participant, à tour de rôle, est célébré poétiquement en public pour développer sa propre estime. Kasàlà veut dire « louange de soi et de l’autre ». Le Kasàlà se pratique de deux façons complémentaires. D’une part, la personne est célébrée poétiquement par le public, d’autre part, la personne se célèbre elle-même en public. Mais attention, l’idée n’est pas de faire du nombrilisme, de la forfanterie ou de l’idolâtrie. Lorsqu’un participant est loué ou qu’il se loue de cette manière, il doit faire preuve de la plus grande modestie. Car il faut précisément pouvoir se regarder avec du recul et être capable de rire de soi pour se livrer à un tel exercice. Pour Jean Kabuta, « Le kasala est fondamentalement cet art qui dit : j’existe, je vaux la peine, je prends ma place et chacun a le droit de dire ça. »
Le Kasàlà vise l’affirmation de l’être afin qu’il puisse retrouver sa juste place dans la société et la nature. Il cherche à favoriser la connaissance progressive de l’Autre et de Soi, grâce au dialogue qu’il instaure au niveau le plus profond de l’être. Le Kasàlà veut rappeler aux humains qu’ils relèvent fondamentalement des mêmes substances, qu’ils peuvent partager des émotions et des aspirations communes. Ultimement, c’est la transformation positive des personnes qui est visée, prémices d’une contribution à la transformation de la société tout entière.
En guise de conclusion, reprenons les mots de l’auteur Christiane Singer : « Cette étonnante pratique m’apparaît une merveilleuse école de dignité, d’effronterie et de poésie joyeuse. Pour guérir de la morosité européenne, il était grand temps d’appeler l’Afrique à l’aide ! »
Université de Gent (Belgique), article sur le kasala
http://www.kasala.be/
Article dans PSYCHOLOGIES MAGAZINE